Fadia Nicé, abordas-tu jamais au port de Massilia ?
Ce serait vraiment par trop extraordinaire que la Fortune t’ait fait poser les yeux sur la colline où tu reposes aujourd’hui : sinon tes cendres, dispersées au vent d’Ostie par l’irrespectueuse main d’archéologues sans scrupules, du moins leur réceptacle, cette petite urne de pierre qui d’un recoin du Musée d’archéologie m’a menée jusqu’ici. Et je me fais scrupule, moi, de t’y mener aussi. Qui suis-je, Fadia Nicé, pour réécrire ainsi ta vie sans mandat de ta part ?
Si tu étais un personnage célèbre, cela ne me dérangerait aucunement de rafistoler à ma façon les débris d’une existence que, par soif de gloire ou de pouvoir, tu aurais voulue publique, et que par conséquent tu m’aurais donné le droit d’arranger à ma sauce. Mais toi, humble parmi les humbles, toi qui ne t’appelles ni César ni Cléopâtre, tu n’as eu qu’une vie et je te la pastiche. J’anticipe même sur ton post mortem en te faisant toucher à Marseille. Remarque que j’ai la délicatesse de ne pas t’y faire débarquer. Tu as encore des années à vivre, et je te les souhaite heureuses, sous le ciel latin. Ce ciel latin qu’en vrai, tu as peut-être eu toute ta vie au-dessus de la tête. Pourquoi toutes ces péripéties, et a-t-on besoin, pour être affranchie de Sextus Fadius Secundus Musa, d’avoir logé dans sa maison de Narbonne ? Absolument pas ! Le bonhomme possédait sans aucun doute un bon paquet d’esclaves en Italie. Alors voilà, on reprendrait tout et on dirait que tu serais née à Ostie d’une esclave de la compagnie et qu’on t’aurait casée, pas contre ton gré mais sans te demander ton avis, avec le fils d’une autre esclave des naviculaires, et que tu aurais mené une existence obscure, sans tumulte ni péripéties, presque pépère et entourée des tiens, dans ce milieu prospère des négociants en huile. Ça te plaît comme ça ? Ça te va mieux ? Eh bien pas à moi. Parce qu’après tout zut ! Ce n’est peut-être pas ta vie, mais c’est mon histoire : je continue.
Si tu étais un personnage célèbre, cela ne me dérangerait aucunement de rafistoler à ma façon les débris d’une existence que, par soif de gloire ou de pouvoir, tu aurais voulue publique, et que par conséquent tu m’aurais donné le droit d’arranger à ma sauce. Mais toi, humble parmi les humbles, toi qui ne t’appelles ni César ni Cléopâtre, tu n’as eu qu’une vie et je te la pastiche. J’anticipe même sur ton post mortem en te faisant toucher à Marseille. Remarque que j’ai la délicatesse de ne pas t’y faire débarquer. Tu as encore des années à vivre, et je te les souhaite heureuses, sous le ciel latin. Ce ciel latin qu’en vrai, tu as peut-être eu toute ta vie au-dessus de la tête. Pourquoi toutes ces péripéties, et a-t-on besoin, pour être affranchie de Sextus Fadius Secundus Musa, d’avoir logé dans sa maison de Narbonne ? Absolument pas ! Le bonhomme possédait sans aucun doute un bon paquet d’esclaves en Italie. Alors voilà, on reprendrait tout et on dirait que tu serais née à Ostie d’une esclave de la compagnie et qu’on t’aurait casée, pas contre ton gré mais sans te demander ton avis, avec le fils d’une autre esclave des naviculaires, et que tu aurais mené une existence obscure, sans tumulte ni péripéties, presque pépère et entourée des tiens, dans ce milieu prospère des négociants en huile. Ça te plaît comme ça ? Ça te va mieux ? Eh bien pas à moi. Parce qu’après tout zut ! Ce n’est peut-être pas ta vie, mais c’est mon histoire : je continue.
Texte à retrouver dans le Palimpseste de la semaine
contact laure.humbel[@]gmail.com